Comment construire une intrigue lorsqu’on est un auteur jardinier ?


Blog, Comment écrire un livre ? / mardi 26 avril 2022

Un auteur jardinier, à l’image de Stephen King, se lance directement dans l’écriture de son roman sans avoir conçu toute l’architecture de l’œuvre et de l’intrigue notamment. Or, en général, si quelque chose nécessite d’être pensé à l’avance, c’est bien cette dernière avec ses rebondissements, ses effets de surprise et sa nécessité d’être cohérente de bout en bout. Alors comment faire quand on a des difficultés à se pencher sur la conception de son roman avant de lancer dans l’écriture ?

Qu’est-ce que l’intrigue ?

Une œuvre littéraire est composée de plusieurs éléments qui, selon moi, sont :

  • Les personnages
  • L’univers
  • Le propos
  • Le style d’écriture
  • L’intrigue

Il s’agit de ma propre classification. Tu trouveras sans doute des auteurs qui en ont d’autres.

L’intrigue représente l’ensemble des événements de l’histoire. Il s’agit de tout ce qui va arriver aux personnages ou se produire dans l’univers. Bien entendu, l’intrigue est intimement liée aux autres composantes de l’histoire.

  • La réaction des personnages aux différents événements en dira long sur leur personnalité.
  • L’enchaînement des événements, et notamment la fin, appuiera le propos de ton oeuvre.
  • Etc.

Mais il s’agit malgré tout d’un élément à part entière.

Pourquoi un auteur jardinier peut-il avoir des difficultés à concevoir son intrigue ?

Il faut tout d’abord comprendre comment l’architecte, le deuxième grand profil d’auteur, va concevoir son histoire.

L’architecte ne se lance dans l’écriture que lorsqu’il a conçu tous les éléments de son roman, et en particulier l’intrigue. Il va donc prendre le temps de :

  • réfléchir à l’organisation des événements de l’histoire,
  • s’assurer qu’il dispose de suffisamment de rebondissements,
  • pouvoir faire aller l’histoire dans une direction que le lecteur n’attend pas,
  • glisser des éléments en début de roman qu’il pourra réutiliser à la fin,
  • contrôler la cohérence de l’intrigue.

Tout cela, avant même de se lancer dans l’écriture.

C’est un énorme avantage par rapport au jardiner qui crée au fil de l’eau, en rebondissant sur ce qu’il a écrit précédemment.

Le jardinier aura donc plus facilement tendance à

  • se diriger vers une intrigue plus linéaire ou plus brouillonne,
  • créer une intrigue qui risque de manquer de surprise et de rebondissements,
  • insérer des éléments qu’il ne réutilisera pas à la fin du roman (ce que le lecteur n’aime pas trop trop en général).

Alors, me diras-tu, la solution est simple. Le jardinier doit se transformer en architecte. Malheureusement, si tu es un jardinier (comme moi), tu pourras toujours essayer de te contraindre à réfléchir à ton intrigue à l’avance, il n’en sortira pas grand-chose.

Alors comment fait-on ?

Comment concevoir une intrigue lorsqu’on est un auteur jardinier ?

Définir ses intentions

Ce n’est pas parce qu’on est un jardinier qu’on se lance dans l’écriture d’un roman avec rien en tête. En général, on a des idées sur ce qu’on cherche à écrire.

On peut avoir une idée :

  • du genre,
  • du début,
  • de la fin,
  • d’un éventuel retournement de situation à un moment de l’histoire,
  • des personnages,
  • de l’effet que doit avoir le roman sur le lecture,
  • etc.

Si parmi ces idées, il y a des éléments qui concernent l’intrigue. Tu dois les garder en tête lorsque tu vas écrire. Si tu as une idée de la fin, tu dois toujours penser que tu dois tendre vers elle lorsque tu avances dans ton roman.

C’est un bon point de départ.

Découper son roman en plusieurs parties

Afin d’éviter de partir dans tous les sens, je définis de façon théorique les différentes parties de mon roman.

Par exemple, dans mon roman n°2, j’ai rapidement décidé de découper le roman en plusieurs parties, chacune dirigée par deux thèmes structurants :

  • une phase précise de l’effondrement de la civilisation (c’est ce que raconte mon roman)
  • une émotion que ressentent les personnages par rapport aux événements (déni, colère, etc.)

Grâce à cela, j’ai pu réfléchir à mon intrigue en essayant d’avoir :

  • un gros rebondissement en fin de chaque partie par exemple,
  • un fil rouge dans chaque partie.

Cela ne m’a pas permis forcément de définir l’intrigue en avance mais, comme j’ai des difficultés à en imaginer la totalité, cela m’a permis de me concentrer sur la structure de passages plus courts et de penser à des moments forts du roman.

C’est un exemple. Il y a des dizaines de façon de procéder.

Chasser l’ennui

Lorsque j’écris un chapitre, j’essaie toujours de me demander si je prends plaisir à l’écrire.

Si je sens que je commence à m’ennuyer, je me dis que le lecteur aura très certainement le même sentiment que moi.

Alors je m’interromps et je réfléchis à ce qui pourrait se passer de plus intéressant. Puis je réécris le chapitre en entier.

Cette technique est à double tranchant car elle peut pousser à réécrire son chapitre encore et encore. Il faut garder à l’esprit qu’elle ne doit pas ralentir l’écriture outre mesure.

Si jamais je n’ai pas de meilleure idée, je continue en me laissant une note indiquant que ce chapitre doit être repris.

Faire la chasse aux éléments inutiles

Au fur et à mesure où j’avance dans l’écriture, si je me rends compte qu’un élément ne sera pas utilisé, je laisse une note où j’indique qu’il faut que je le supprime lors de ma réécriture.

Par exemple, je me rends compte assez souvent qu’un personnage ne sert finalement à rien ou que j’avais implanté un élément d’intrigue qui n’a finalement pas d’intérêt.

Ce n’est pas grave, car je sais que je vais passer par une phase de réécriture où je pourrai faire des modifications.

Je ne fais pas la correction tout de suite car il y a toujours une chance que je trouve finalement le moyen d’utiliser l’élément en trop.

C’est donc le moment d’être particulièrement organisé et de bien conserver ses notes.

Noter les éléments manquants

Même chose que les éléments superflus, il est possible que j’ai une idée pour mon intrigue et que celle-ci me demande d’avoir intégré des éléments qui n’existent pas pour le moment.

Même chose que pour le cas précédent. Je laisse une note à l’endroit où je dois insérer tel ou tel élément pour ma réécriture.

Et là encore, je ne fais pas la modification tout de suite. Cela me permet de renoncer éventuellement à cette nouvelle idée. Il n’est pas exclu non plus que plusieurs modifications se recoupent entre elles. Donc mieux vaut attendre la fin du roman pour les appliquer.

Là encore, cela demande de l’organisation pour ne rien oublier. Personnellement, je me sers des commentaires sous Word que je supprimerai seulement au moment où j’aurai fait la modification du texte.


Ce n’est donc pas parce qu’on est un auteur jardinier qu’on n’est pas capable de structurer son intrigue.

Il existe même un avantage à être jardinier : on est souvent assuré de créer des intrigues assez organiques. Le jardinier va repérer tout de suite que tel personnage ne peut pas réagir de telle façon et il adaptera son histoire de façon à ce que ce dernier reste cohérent. A l’inverse, les architectes auront tendance à accumuler des événements parce qu’il doit absolument se passer telle ou telle chose pour les besoins de l’intrigue alors que cela pourrait nuire complètement à la cohérence de leur personnage.

Tout cela pour dire qu’il n’y a pas de mauvaises méthodes. Chacune a ses avantages et ses inconvénients.

On ne le dira jamais assez !

Emilie Beltane

2 réponses à « Comment construire une intrigue lorsqu’on est un auteur jardinier ? »

  1. Encore un article super utile ! On entend souvent que les auteurs jardiniers se lancent bille-en-tête, sans faire de préparation en amont d’un premier jet. Comme je l’ai dit dans mon autre commentaire, lire sur ton processus d’écriture et de “planification” m’aide beaucoup, ça me permet de visualiser comment font les jardiniers pour écrire un roman. Au final, c’est une méthode totalement différente de celle des architectes, et elle est totalement valide !

    Si je le peux, je me permets de te poser une question : comment fais-tu pour te lancer dans ton premier chapitre ? Est-ce que tu as déjà des éléments sur la suite ? Est-ce qu’il t’arrive de te lancer et de te laisser porter sans trop savoir ce qui va se passer dans les chapitres suivants, ou juste avec des grands événements qui surviendront plus tard dans le roman ?

    1. Bonjour et merci pour ton commentaire ! Pour me lancer dans le premier chapitre de mon roman La Disparition, j’ai simplement posé une sorte de cadre pour ne pas partir dans tous les sens. Je m’étais fixée d’écrire à chaque fois un chapitre du point de vue d’un nouveau personnage. Même si j’ai abandonné le concept par la suite, cela m’a permis de démarrer. Et puis au fur et à mesure où j’avançais dans le roman, j’ai affiné mon cadre. J’ai décidé de faire revenir les personnages, j’ai affiné en découpant le roman en partie thématique. Cela m’est venu au fur et à mesure. Donc j’ai commencé sans avoir réellement tous les éléments de la suite, ni les grands événements. Mais je suppose que c’est différent pour chaque roman.

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